Paris Gay 1925
Auteur G. Barbedette & M. Carassou Lecture Novembre 2008
Édition Non Lieu Création Fiche Novembre 2008
Parution 1981 (ré-éd. 2008)

 

Origine  
Traduction  


1925 : Les Années Folles, "époque de provocation", battent leur plein. Paris était alors un grand centre du monde interlope, l'homosexualité n'étant plus un délit depuis l'établissement du Code Civil sous l'impulsion de Cambacérès. Nos plus proches voisins, Grande-Bretagne et Allemagne, ayant pénalisé l'homosexualité, beaucoup d'homosexuels allemands et britanniques venaient s'extérioriser à Paris, bien que le Berlin de ces années-là n'ait pas été en reste (cf. le témoignage de Ch. Isherwood dans "Les Adieux à Berlin").
Dans un premier temps, Barbedette et Carassou décrivent le Paris des Années Folles, les grands bals homo du Magic City, rue Cognac-Jay, qui eurent lieu toutes les mi-carêmes jusqu'en 1939, les bars et boites homosexuels, les clubs privés, les rencontres dans les bains turcs (ancêtres de nos saunas) et les promenoirs des théâtres et des music-halls. Ces commentaires anecdotiques sont rehaussés par des témoignages de personnalités ou d'anonymes du monde interlope, mais aussi d'homosexuel(le)s qui s'en tenaient quelque peu éloigné(e)s : A. du Gognon, romancier, figure de la nuit parisienne, J. Weber, Sociétaire de la Comédie Française, comédien célèbre des années 30, figure emblématique de "l'underground" parisien, D. Guérin, historien de la révolution française, qui se tenait à l'écart du "milieu", R. Rédon, cheminot provincial monté à la capitale, E. Roditi, poète et critique américain, etc.
La seconde partie du livre est dédiée à une étude identitaire de l'homosexualité des Années Folles. Les auteurs débutent avec un essai sur l'évolution de la pensée psychologique, avec les écrits du Dr. Magnus Hirschfeld, en Allemagne, et du Dr. H. Ellis, psychologue britannique, auteur des "Études de la psychologie sexuelle" (8 volumes). Ce premier chapitre est suivi par une étude des personnages homosexuel(le)s dans les romans et une présentation des grandes figures homosexuelles de la littérature, de Proust à Gide, en passant par Jouhandeau, Cocteau, etc.
Enfin, la troisième et dernière partie présente des passages de "Inversions" (qui deviendra "L'Amitié"), journal pour l'homosexualité, qui paraîtra de 1924 à 1925, date de son interdiction après intervention parlementaire (intervention officieuse bien sûr !). Ces quelques chapitres sur "Inversions" sont suivis par des extraits des minutes du pourvoi en cassation suite à la condamnation des éditeurs de la revue par la cour d'appel de la Seine pour atteintes aux bonnes moeurs. La cour de cassation confirme la condamnation, mais réduit considérablement les peines. Les auteurs finissent ce volet par des extraits de journaux de l'époque sur "Inversions" ou son jugement. Bien avant le procès, certains journaux, comme "L'Illusion" de Pierre Lazareff*, dénoncent l'immoralité de "Inversions". Après le procès, E. Fournier ("L'En-Dehors") regrettera la forme qu'avait prise "Inversions" tout en défendant le fond, et reconnaissant aux homosexuels le droit de vivre librement leur sexualité et d'avoir un organe de liaison. Un autre journaliste du même "L'En-Dehors" regrette la disparition de la revue.
Paris Gay 1925 s'achève par des références bibliographiques.

* Celui qui a sévi à la TV dans les années 50-60 ?


Sur la forme. La présentation est de belle facture, bonne mise en page, belles gravures. Le plan est linéaire et l'écriture facile. Paris Gay 1925 peut être un beau cadeau pour les fêtes de fin d'année.

Sur le fond. Paris Gay 1925 semble un bon témoignage sur l'homosexualité pendant les Années Folles, encore que nous devions avouer notre méconnaissance de cette thématique à cette époque et nos manques de références sur ce même thème. En revanche, qui voudrait se documenter sur l'homosexualité à cette période pourrait croiser les informations de Paris gay 1925 avec d'autres sources. Même si le propos de Paris Gay 1925 n'est pas exhaustif, ce livre semble incontournable, car il donne de nombreuses informations sur l'époque, de nombreux témoignages de contemporains, illustrés par beaucoup de documents, de photos, et de gravures.
Les témoignages des contemporains sont édifiants sur les mentalités de l'époque dans le milieu interlope, et sur les soirées follissimes. La revue littéraire est bien présentée. Nous regrettons juste l'absence de quelques grands noms comme Pierre Herbart !
Les auteurs rappellent la clémence de la loi française, et notamment du code civil, sur la question homosexuelle. Contrairement à ce que voudraient nous faire croire certains mitterrandolâtres primaires, l'arrivée au pouvoir des socialistes en 1981 n'a pas conduit à la dépénalisation de l'homosexualité, car celle-ci n'a jamais été un délit en France depuis le Consulat. En revanche, il n'en a pas toujours été ainsi et l'ancien régime a eu sa part de condamnations à mort pour crime uranien. Barbedette et Carassou insistent au passage sur l'attitude de parlementaires et de juges qui, détournant la loi sur les "bonnes moeurs", poursuivaient les homosexuels de leur rancoeur homophobe, surtout en cette période post-Grande Guerre où la République voulait régénérer la population ravagée par les tueries de 14-18. L'affaire de "Inversions" illustre bien ce propos. Il ressort du jugement, que ce n'est pas le caractère homosexuel qui est condamné, mais l'atteinte aux bonnes moeurs et la propagande uranienne, malgré une rédaction irréprochable et l'absence de pornogaphie. Bref, même si l'homosexualité n'était pas un délit, la vie des homosexuels de l'entre-deux guerres n'était pas facile. Il a fallu l'évolution des moeurs et moults combats pour arriver à plus de liberté. Il faut également saluer l'intervention de grands hommes, tel l'excellent Robert Badinter (et non l'intrigant Fr. Mitterrand) pour voir la destruction de fichiers policiers et l'égalité des droits concernant la majorité sexuelle. Il est à remarquer que les homosexuels n'étaient pas les seuls visés par les "bien-pensants", puisque Charles Baudelaire et ses "Fleurs du Mal" furent condamnés pour les mêmes raisons d'atteinte aux bonnes moeurs !
Finalement, nous regrettons que Paris Gay 1925 se termine sur le procès de "Inversions" et non sur une "conclusion générale". Nous déplorons également l'absence d'index qui aide toujours dans ce genre de revue. Mais nous saluons la présence des références bibliographiques, même si non exhaustives.
Malgré ces légères réserves, Paris Gay 1925 est un excellent témoignage sur l'homosexualité dans le Paris des Années Folles.


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