Les premières amours adolescentes
se vivent toujours avec un délicat mélange de passion
et d'appréhension. Mais si le coup de foudre s'établie
entre un ado de 16 ans et un homme de 26 ans, on imagine sans mal les
difficultés, surtout s'il s'agit d'un lycéen Français
et d'un étudiant Russe dans Leningrad de l'ère Brejnev,
au plus fort de la guerre froide et de l'obscurantisme totalitaire soviétique.
Une dizaine d'année après les faits, le Français
croit reconnaître son amant dans une délégation
soviétique lors d'un colloque, mais ce n'est pas (ou plus ?)
le même nom ! Il prend sa plume pour narrer ses souvenirs et ses
sentiments, et nous offre son récit encore quelques années
plus tard, près de 25 ans après l'histoire. Gilles Leroy
décrit magistralement dans ce roman toute l'impatience, la violence,
la passion, l'exigence du désir adolescent : "C'est alors
que je l'ai vu. J'ai su qu'il n'y aurait plus rien au monde. J'ai frissonné,
la sueur s'est glacée sur mon corps. Quelque chose naissait et
je n'avais plus peur". Et l'évolution, la malléabilité
de la jeunesse (avec la réflexion de l'âge adulte ?) :
"Le désir m'apprenait cela : l'urgence n'existe pas. On
passe sa jeunesse à projeter la vie en une course d'étapes
prioritaires, pour s'apercevoir finalement que les priorités
sont secondaires. Et quand on l'a compris, c'est trop tard. Les saisons
pour le secondaire sont passées."
"On peut cesser de vivre à seize ans. Pour certains
c'est même plus tôt". Vous trouvez ça mélo
? Si vous saviez combien de morts vivants vous entourent, à jamais
émerveillés et assassinés par un premier amour
clandestin (J.-P. T.).
N.B.: Pour cette critique, je me suis fortement inspiré de l'article
de Jean-Pierre Tison, (Lire, n°302, février 2002, p72), qui
m'a donné envie de lire ce roman. Le dernier paragraphe est même
totalement reproduit de son article. Merci à lui.