Au commencement, il y a cette
peinture d'Edward Hopper. "Les rôdeurs de la nuit".
Intérieur d'un bar de la Nouvelle Angleterre (?), "Chez
Phillies". Le serveur, derrière son bar, proche d'un couple.
Elle robe rouge, cheveux blond vénitien, lui costume années
30, Borsalino sur la tête. Elle semble dubitative ou rêveuse,
lui écoute le serveur qui semble parler. Un troisième
homme, dans l'angle du comptoir, de dos, bras croisés, costume
et Borsalino, semble extérieur à la scène.
Alors Besson fantasme sur cette scène. Elle, Louise, et Lui,
Stephen, sont d'anciens amants. Il l'a laissé tomber, comme ça,
subitement, il y a 5 ans, pour épouser une autre, Rachel, qui
n'apparaîtra jamais réellement tout au long du roman, seulement
sujet de conversations, de réflexions, ou de pensées.
Mais voilà, le mariage ne colle pas. Divorce. Louise et Stephen
ont ce bar comme d'autres couples ont leur chanson. Ils l'ont connu
le soir où Ben, le serveur a pris son premier service, et l'ont
fréquenté tout au long de leur longue liaison. Ca crée
des liens. Elle est restée fidèle au bar, Lui a déserté.
Alors, évidemment, c'est là qu'il revient lors de sa dérive
et retrouve la familiarité des lieux. Mais les choses ont évolué
: elle attend Norman, son amant, qui s'englue entre sa maîtresse
et sa femme, Norman qui n'apparaîtra dans le roman que sous la
forme d'appels téléphoniques. Le décor est planté,
la représentation peut commencer, en huis clos, mais pas un huis
clos linéaire comme un roman de R. Merle, non, un huis clos de
retours en arrière, de souvenirs, d'introspections, de réflexions,
et puis d'espérances futures, un huis clos dans lequel le non-dit
est plus profond que dans les Menez Du.