Le bruit paisible des secrets
Auteur Michel GILIBERTI Lecture Janvier 2005
Edition Bonobo Création Fiche Janvier 2005
Parution 2005

M : et P :

Origine France
Traduction  


"Guillaume a vingt-sept ans. Romain en a dix-sept. Ils sont frères. Guillaume a quitté subitement le giron familial il y a dix ans pour tenter l'aventure parisienne. Guillaume et Romain ne se sont pas vus depuis quatre ans. Ils se retouvent dans la maison de famille, en Normadie, à la suite du décès accidentel de leurs parents. Retrouvailles et confrontation ; attirance et amour."


Avis de P. :
Il m'a fallu un certain temps pour déterminer si ce livre allait m'intéresser ou m'agacer prodigieusement. Comme quoi ce n'est pas inintéressant, il vaut mieux irriter que susciter l'indifférence !
Si les rapports psychologiques des deux frères sont un peu tordus dès le début, on ne demande qu'à les pardonner suite au malheur qui les frappe. Mais on se rend vite compte que tout ça ne nous mêne qu'à une apologie de l'inceste entre frères de dix ans d'écart. Si cela peut assouvir les fantasmes de certains tant mieux pour eux, mais, quitte à passer pour réac, je ne vois aucune poésie là-dedans. En prime, les insupportables fautes de grammaire rendent la lecture pénible ! Le "ne que" semble inconnu des relecteurs (y en a-t-il ? Voilà un métier d'avenir !).... Une bonne dizaine de fois on subit les "on a que" pour "on n'a que", "on a pas" pour "on n'a pas"...
Dommage, cette mode d'écrire comme on parle héritée du journalisme nous éloigne de la littérature...

On ne peut jeter tout en bloc, certains passages sont joliment écrits. C'est finalement l'histoire elle-même qui me gène le plus. Peut-être qu'un autre Giliberti me transportera plus...

Avis de M. :
Michel Giliberti est un homme sympathique que j'estime beaucoup. C'est donc assez difficile de dire que je n'ai pas du tout aimé son nouveau roman.... Si avec M. Giliberti, nous nous retrouvons souvent sur de nombreux terrains, on ne peut pas dire que sur le plan littérature nous ayons les mêmes aspirations...
"Le bruit paisible des secrets" commence par un véritable dialogue de sourds, monologues croisés de deux égoïstes égocentriques purement attentistes, de ceux qui pensent que tout leur est du et qu'ils ne doivent fournir aucun effort. Ce sont toujours les autres qui ont tort, notamment de ne pas tout faire pour que leurs vies à eux soient belles. Puis le récit converge lentement vers l'unisson des deux monologues, vers le dialogue qui reste dans la même tonalité, sans aucune évolution de fond, juste une convergence. Les deux protagonistes se retrouvent pour dire combien tous les autres sont moches et eux tellement beaux. C'aurait pu être un effet littéraire, mais non, je ne pense pas que ce soit l'effet que l'auteur escomptait. Pourtant cela semble être le fondement même de ce roman. Tout ça est terriblement manichéen et premier degré ; comment peut on être tellement sûr de qui est bon et qui est mauvais ? C'est vrai que les c... dans ce roman sont vraiment c... Mais notre société n'est pas faite uniquement d'anges et de démons... Il y a aussi des hommes et des femmes, et ils/elles sont les plus nombreux(ses) !
La pseudo-révolte des deux frères est stérile ("Le révolté, au sens étymologique, fait volte-face" A. Camus, L'Homme Révolté) ; il n'y a aucun "oui" derrière leur "non" : leur souhait, juste reprendre l'affaire familiale, comme leurs parents avec eux...Much ado about nothing.... "Quand je pressens ta maturité [...] j'oublie tes dix-sept ans [...]" ;
"[...] nous, les jeunes d'aujourd'hui on a (sic) de jeunes que le look, en fait, on est vachement adultes ... des vrais vieux parfois" (p. 44). Ben moi je préfère "Il nous fallu bien du talent pour être vieux sans être adulte" (J. Brel, La chanson des vieux amants).
De plus, la trame même du roman (retrouvailles des deux frères, amour fraternelle, puis attirance charnelle) est grossière et laisse dès le début entrevoir la chute...
Bref, ce roman ressemble à un journal d'adolescent écrit pour la même tranche d'âge. De plus, le propos se serait plus prêté au huis-clos théâtral qu'au style romanesque. Les digressions "extérieures" font un peu remplissage ! Sans doute le ton aurait été plus fort. Dommage l'intention était là.
Seul le délectable face-à-face Guillaume - Vialet (p. 91-93) vaut largement son pesant de moutarde, preuve que Michel a de la ressource ...
Dernière remarque, il y a de nombreuses incohérences et erreurs dans le récit qui aurait du être relevées par l'éditeur ; à titre d'exemples :
Pages 58-59 :
Guillaumme : "[...] tu trouveras vite une petite amie."
Romain : "J'en ai pas besoin. [...] t'en as une, toi ?"
Guillaume [...] pense qu'il suffirait de dire "Guillaume, je suis pédé"... Euh non c'est à Romain que cela s'adresse, Guillaume ne se parle pas à lui-même...
Page 140 : "Guillaume pris au dépourvu relance monsieur Vialet"... eh non, c'est avec Boissec qu'il est au téléphone...
Et ce sont deux exemples parmi plusieurs... sans parler des fautes d'orthographes... Le métier d'éditeur n'est plus ce qu'il était... Ma brave dame !
Alors si vous cherchez un roman qui traite de rapports entre deux frères, voyez le sublissime "Agneau Carnivore" de A. Arcos-Gomez ou la très belle saga de E.-C. Djaziri "L'innocence du diable" et "L'ange maudit").
Si vous voulez lire une très belle histoire de quête d'identité fraternelle, voyez le touchant "mon frère, son frère" de H. Lindquist.
Si c'est Michel Giliberti qui mérite votre attention alors regardez plutôt "Les yeux silencieux", malgré quelques petites critiques, c'est un très beau conte, ou alors cherchez plutôt ses croquis et peintures, plusieurs livres ont été publiés (Voyages secrets).
Oui je sais, j'ai été bien long sur ce court roman, mais "qui aime bien châtie bien" et moi j'aime bien Michel Giliberti*, alors j'ai été un peu déçu de cette lecture et je le dis. Mais nous sommes prêts à publier tout avis contraire aux nôtres... N'hésitez pas : à vos claviers !

* j'aime bien aussi les petites éditions comme Bonobo, qui font beaucoup d'efforts pour survivre entourées de géants sans pitié, et pour qui la vie n'est pas toujours facile. Alors je crois que c'est les aider que de relever les erreurs d'éditions, pour les romans suivants ou les ré-éditions.


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L'avis de nos lecteurs :

- Mercédès Obadia,Paris, janvier 2006.

Je ne partage pas du tout votre avis sur son [Michel Giliberti, NDLR] écriture que vous jugez légère alors qu'il sait à merveille composer un dialogue réaliste et d'une belle spontanéité. Ce qui, soit dit en passant, justifie pleinement l'absence de la négation dans des expressions telles que : "on a pas que ça à faire que d'aller à l'école!..." Il s'agit en effet dans le cas présent d'une transcription de l'oral et donc d'une licence littéraire parfaitement acceptable ! La même que dans : "j'ai pas qu' ça à faire !" Le "j'" et le "on" ayant même valeur. Je me suis amusé à parcourir le net... Il y a juste 40000 pages contenant l'expression "on a qu'a..." et même écrites par des journalistes* !
Comment ne pas être sensible aux descriptions de la campagne dans ce livre ? A la poésie, à la justesse du parlé normand ou aux désarrois qui sévit dans les hôpitaux ? C'est si bien ressenti et si bien écrit ! C'est même d'une poésie époustouflante contrairement à ce que vous affirmez. Il est parfois fort inutile d'alourdir un texte par des métaphores prétentieuses ( je vous conseille de relire Marguerite Duras ), je ne m'explique pas que vous soyez insensible à des phrases comme : "... un matin gris sur les jardins mouillés, avec encore sous les feuilles de novembre, quelques dernières pommes amarantes et cuivre, de toutes parts meurtries, déjà pourries. Mais Guillaume n'est pas sensible au mal de novembre. Le sien, rebelle et opiniâtre l'enlise au fond des draps....
Ou ce passage encore, digne de Céline "À son départ de la maison, il n'avait reçu que les larmes tièdes de Romain contre sa joue froide et sèche, et son regard immense d'enfant désespéré. Sa mère n'avait pas jugé utile de lâcher quelques instants l'épicerie, et son père était demeuré derrière son zinc, un torchon à la main, contre le bac d'eau sale où plongeaient les tasses de café et les ballons de vin des premiers clients, et Médoc, le vieux chien poussif et plein de puces en train de ronfler à ses pieds. Zinc, crasse, torchon, sac à puces et désamour".
Peut-être avez-vous lu "Bou Kornine" du même auteur, un livre d'impressions, sensible et drôle, où le questionnement l'emporte sur les dialogues, avec en prime une description bouleversante du Maghreb et des relations entre un artiste et son modèle tunisien ? Je ne l'ai pas trouvé dans vos chroniques.

* Il y aurait bien des choses à dire sur le "Français" des journalistes, héhéhéhéhé.... NDLR

- Thierry Zedda,La Référence, avril 2006.
L'avis enthousiaste d'un écrivain sur "Le bruit paisible des secrets" de Michel Giliberti : http://la-reference.info/#mariage

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