Avis de P. :
Il m'a fallu un certain temps pour déterminer si ce livre allait
m'intéresser ou m'agacer prodigieusement. Comme quoi ce n'est
pas inintéressant, il vaut mieux irriter que susciter l'indifférence
!
Si les rapports psychologiques des deux frères sont un peu tordus
dès le début, on ne demande qu'à les pardonner
suite au malheur qui les frappe. Mais on se rend vite compte que tout
ça ne nous mêne qu'à une apologie de l'inceste entre
frères de dix ans d'écart. Si cela peut assouvir les fantasmes
de certains tant mieux pour eux, mais, quitte à passer pour réac,
je ne vois aucune poésie là-dedans. En prime, les insupportables
fautes de grammaire rendent la lecture pénible ! Le "ne
que" semble inconnu des relecteurs (y en a-t-il ? Voilà
un métier d'avenir !).... Une bonne dizaine de fois on subit
les "on a que" pour "on n'a que", "on a pas"
pour "on n'a pas"...
Dommage, cette mode d'écrire comme on parle héritée
du journalisme nous éloigne de la littérature...
On ne peut jeter tout en bloc, certains
passages sont joliment écrits. C'est finalement l'histoire elle-même
qui me gène le plus. Peut-être qu'un autre Giliberti me
transportera plus...
Avis
de M. :
Michel Giliberti est un homme sympathique que j'estime beaucoup. C'est
donc assez difficile de dire que je n'ai pas du tout aimé son
nouveau roman.... Si avec M. Giliberti, nous nous retrouvons souvent
sur de nombreux terrains, on ne peut pas dire que sur le plan littérature
nous ayons les mêmes aspirations...
"Le bruit paisible des secrets" commence par un véritable
dialogue de sourds, monologues croisés de deux égoïstes
égocentriques purement attentistes, de ceux qui pensent que tout
leur est du et qu'ils ne doivent fournir aucun effort. Ce sont toujours
les autres qui ont tort, notamment de ne pas tout faire pour que leurs
vies à eux soient belles. Puis le récit converge lentement
vers l'unisson des deux monologues, vers le dialogue qui reste dans
la même tonalité, sans aucune évolution de fond,
juste une convergence. Les deux protagonistes se retrouvent pour dire
combien tous les autres sont moches et eux tellement beaux. C'aurait
pu être un effet littéraire, mais non, je ne pense pas
que ce soit l'effet que l'auteur escomptait. Pourtant cela semble être
le fondement même de ce roman. Tout ça est terriblement
manichéen et premier degré ; comment peut on être
tellement sûr de qui est bon et qui est mauvais ? C'est vrai que
les c... dans ce roman sont vraiment c... Mais notre société
n'est pas faite uniquement d'anges et de démons... Il y a aussi
des hommes et des femmes, et ils/elles sont les plus nombreux(ses) !
La pseudo-révolte des deux frères est stérile ("Le
révolté, au sens étymologique, fait volte-face"
A. Camus, L'Homme Révolté) ; il n'y a aucun "oui"
derrière leur "non" : leur souhait, juste reprendre
l'affaire familiale, comme leurs parents avec eux...Much ado about
nothing.... "Quand je pressens ta maturité
[...] j'oublie tes dix-sept ans [...]" ;
"[...] nous, les jeunes d'aujourd'hui on a (sic) de
jeunes que le look, en fait, on est vachement adultes ... des vrais
vieux parfois" (p. 44). Ben moi je préfère "Il
nous fallu bien du talent pour être vieux sans être adulte"
(J. Brel, La chanson des vieux amants).
De plus, la trame même
du roman (retrouvailles des deux frères, amour fraternelle, puis
attirance charnelle) est grossière et laisse dès le début
entrevoir la chute...
Bref, ce roman ressemble à un journal d'adolescent écrit
pour la même tranche d'âge. De plus, le propos se serait
plus prêté au huis-clos théâtral qu'au style
romanesque. Les digressions "extérieures" font un peu
remplissage ! Sans doute le ton aurait été plus fort.
Dommage l'intention était là.
Seul le délectable face-à-face Guillaume - Vialet (p.
91-93) vaut largement son pesant de moutarde, preuve que Michel a de
la ressource ...
Dernière remarque,
il y a de nombreuses incohérences et erreurs dans le récit
qui aurait du être relevées par l'éditeur ; à
titre d'exemples :
Pages 58-59 :
Guillaumme : "[...] tu trouveras vite une petite amie."
Romain : "J'en ai pas besoin. [...] t'en as une, toi ?"
Guillaume [...] pense qu'il suffirait de dire "Guillaume, je
suis pédé"... Euh non c'est à Romain
que cela s'adresse, Guillaume ne se parle pas à lui-même...
Page 140 : "Guillaume
pris au dépourvu relance monsieur Vialet"... eh non,
c'est avec Boissec qu'il est au téléphone...
Et ce sont deux exemples
parmi plusieurs... sans parler des fautes d'orthographes... Le métier
d'éditeur n'est plus ce qu'il était... Ma brave dame !
Alors si vous cherchez un roman qui traite de rapports entre deux frères,
voyez le sublissime "Agneau Carnivore"
de A. Arcos-Gomez ou la très belle saga de E.-C. Djaziri "L'innocence
du diable" et "L'ange maudit").
Si vous voulez lire une très belle histoire de quête d'identité
fraternelle, voyez le touchant "mon
frère, son frère" de H. Lindquist.
Si c'est Michel Giliberti qui mérite votre attention alors regardez
plutôt "Les yeux silencieux",
malgré quelques petites critiques, c'est un très beau
conte, ou alors cherchez plutôt ses croquis et peintures, plusieurs
livres ont été publiés (Voyages secrets).
Oui je sais, j'ai été bien long sur ce court roman, mais
"qui aime bien châtie bien" et moi j'aime bien Michel
Giliberti*, alors j'ai été un peu déçu de
cette lecture et je le dis. Mais nous sommes prêts à publier
tout avis contraire aux nôtres... N'hésitez pas : à
vos claviers !
*
j'aime bien aussi les petites éditions comme Bonobo, qui font
beaucoup d'efforts pour survivre entourées de géants sans
pitié, et pour qui la vie n'est pas toujours facile. Alors je
crois que c'est les aider que de relever les erreurs d'éditions,
pour les romans suivants ou les ré-éditions.