Voilà un grand roman. Autant sur la forme que sur le fond.
Belle écriture au style vif et direct. Vocabulaire riche, sans
pédanterie, des mots simples, soigneusement choisis et agencés
en phrases qui coulent à merveille. Récit bien structuré,
en trois parties d'inégales longueurs, mais équilibrées
en intensité et en intérêt romanesque. Première
partie, narrée à la première personne par
Vincent, raconte sa rencontre et son amitié avec
Marcel, sa rencontre et son amour pour Arthur, et ses petits déboires
familiaux (famille bourgeoise étriquée, aux principes
d'une autre époque). Deuxième partie, échanges
épistolaires entre Vincent et Arthur, et Vincent et Marcel. Troisème
partie, rencontre avec Blanche, mère de Vincent ; l'auteur revient
à la narration par Vincent, à la première personne.
Besson laisse malgré tout la part aux autres protagonistes dans
une forme originale : pas vraiment de dialogues, juste des "je
dis :", "tu dis :", "elle dit :".
Roman
dense qui aborde et développe quantités de thèmes.
Tout d'abord
la découverte du grand amour, intense, passionnel et charnel.
Amour
tragique pendant la Grande (!) Guerre, mythe éternel de l'amour
passion, trop beau, trop fort, trop intense pour durer ? L'amour homosexuel,
bien sûr, qui, à cette époque, devait forcément
se cacher : "J'accepte d'emblée cette idée du
secret qui m'enchante.", caché, certes, mais avec "l'incroyable
douceur universelle du sexe des hommes." Amour des hommes,
différence qui fait découvrir "la méchanceté
de l'enfance." D'autres formes d'amour sont également
abordés : amitié qui vire à l'amour platonique
(rencontre avec Marcel Proust), amour filial, qui absout tout (Blanche
pour son fils Arthur). Mais rien
n'est simple
: "La réponse, sans doute, est : non. [...] Non, on
ne trouve jamais le repos. [...] La réponse, assurément,
est : oui. [..] Oui, on finit par trouver le repos."
Et puis il y a la guerre. La guerre et ses ravages qui sont omniprésents.
Pas besoin de longues descriptions, juste de petites phrases anodines
au détour d'une conversation "On est belliciste quand
on n'a jamais fait la guerre."
L'adolescence,
les parents distants, le carcan social, Besson peint par petites touches,
de-ci de-là, subtilement. Différence sexuelle,
temps de guerre, situations inhabituelles qui font découvrir
d'autres horizons : "[...] je crois qu'on peut décider
de créer sa propre famille en dehors des liens du sang, que cette
famille, c'est celle des années qui passent, des visages qui
défilent, des sourires qui laissent leur empreinte dans nos mémoires."
Et l'auteur revient sans relache sur ses thèmes, toujours par
petites touches, comme un pointilliste. Le carcan social, le qu'en dira-t'on,
Blanche en a souffert aussi. Arthur n'est-il pas d'un milieu inférieur
à celui de Vincent. outre l'homosexualité, une telle relation
entre classes n'est pas envisageable pour des bourgeois étriqués
comme les de l'Etoile ! Blanche, une fille-mère, de surcroît
! Allez savoir comment elle l'a eu cet enfant... Justement, c'est la
faute de Blanche. C'est cette faute qu'elle confesse à Vincent,
qu'elle sait amant de son fils. Arthur n'a même pas eu à
annoncer sa passion, elle l'a su, elle l'a toujours su, elle l'a lu
dans les yeux de son enfant. Mais sa grande question... Lui, aime-t'il
Arthur en retour ?
Mais ça, Vincent l'a dit, l'a hurlé, l'a écrit,
l'a promis à Arthur. "J'aime ta peau, ton odeur, la
vie qui bat. [...] Je sais qu'être au milieu de tes bras c'est
la chose la plus imporrtante. Je sais qu'il n'y a rien de plus fort
que ça ; [...]. Je sais que le premier soir avec toi, c'était
une naissance, une venue au monde, un éblouissement, un rai de
lumière."
A LIRE ABSOLUMENT...