"Il ne rete plus de mystère dans notre vie moderne. La génération scientifique a tout tué. La purge rationaliste faisant la chasse à l'invraisemblable et à l'inexpliqable."
R. Silverberg, Le Livre des Crânes (VF p 94, édition Le Livre de Poche)

Dans les années 70, Eli, jeune étudiant en langues anciennes à l'Université de New York, découvre un étrange manuscrit du Xe ou XIe siècle, le Liber Calvarium, le livre des crânes, dans lequel il est question d'une secte des Crânes maîtresse d'épreuves et de rites menant à la vie éternelle. Il retrouve les traces de cette secte au fin fond de l'Arizona. Il décide Oliver, Ned, et Timothy, jeunes étudiants également, avec lesquels Eli partage un appartement, à partir pour le grand ouest à la recherche de la secte et à tenter l'expérience pour acquérir l'immortalité. Ces garçons sont issus de milieux sociaux, culturels, et ethniques très différents. Ils ont également des caractères assez opposés. Eli le petit juif pauvre de Brooklyn, érudit rat de bibliothèque, complexé physiquement et sexuellement, Ned d'une intelligence supérieure, homosexuel, issu de la classe moyenne catholique irlandaise, Oliver, beau comme un dieu, bouseux du Kansas, orphelin qui veut s'élever dans la société, Timothy le méprisant fils à papa, pur produit WASP.
Eli n'a rien caché aux autres de ses découvertes sur le livre des Crânes et l'accession à l'immortalité. Le livre décrit les épreuves à subir, 18 "Mystères", le 9ème d'entre eux précise que quatre "réceptacles" doivent se présenter ensemble aux épreuves, deux auront la vie éternelle au prix de la mort volontaire d'un d'entre eux et du sacrifice du quatrième. Mais avant tout, chacun devra individuellement confesser ce qu'il a de plus profondément et de plus honteusement caché en lui à l'un des autres.
Les quatre garçons decident alors de partir vers l'ouest pour tenter l'aventure, avec tous les risques que cela comporte....

Robert Silverberg est un auteur de science fiction. Les livre des Crânes est sa seule incursion en dehors de ce genre de littérature. C'est une réussite. Le style est dynamique et agréable, l'histoire est bien construite, et l'auteur maîtrise parfaitement son récit d'un bout à l'autre. Ce roman écrit au début des années 70 reste parfaitement moderne et se lit d'une seule traite.
L'idée de donner successivement la parole de façon personnelle à chacun des quatre protagonistes est originale et réussie. L'hétérogénéité de culture, de milieu social, et surtout de caractère des quatre amis est bien rendue, de même leur progression intérieure pendant tout le voyage vers l'ouest, puis leurs introspections respectives au moment des épreuves, les étonnantes confessions, jusqu'au dénouement surprenant !
La question homosexuelle est abordée de manière admirable et exceptionnelle pour l'époque et pour un auteur de science fiction ! Pour avoir été un grand consommateur de cette littérature dans mon adolescence, je ne me souviens pas d'auteurs abordant cette question d'une manière aussi directe, ouverte et subtile ! Bravo Mr. Silverberg !

Merci Guillaume de nous avoir conseillé ce livre après "Quatre garçons dans la nuit"...