"Mais toi, t'es le dernier,
Mais toi, t'es le premier !
Avant toi, y'avait rien,
Avec toi je suis bien !
C'est toi que je voulais,
C'est toi qu'il me fallait !
Toi que j'aimerai toujours...
Ça sert à ça, l'amour !..."

Ca sert à quoi l'amour ? Michel Emer
Interprétation Edith Piaf.

Bryan Darnau a dix-sept ans. Il vit avec sa mère, Valérie, divorcée, dans une ville de grande banlieue parisienne. Il va au lycée. Il n'a qu'une seule amie, Laetitia, partie depuis un an à Paris. Il est seul. Et puis, un jour de janvier, une apparition. Au lycée, il croise un autre élève de son âge. Un nouveau. Deux regards qui se croisent et se suivent. Lui aussi est solitaire. Toujours. Les deux garçons sont alors à se chercher des yeux à chaque occasion, mais s'évitent quand l'un a trouvé l'autre. Jeu typique du chat et de la souris. Bryan alors s'interroge. Pourquoi ce sentiment étrange, cette exaltation impulsive, pourquoi ce désir pour un garçon ? Et puis, un jour de brocante, sa mère lui présente Martine, une collègue et néanmoins amie, accompagnée de son fils Kévin. Les deux garçons se reconnaissent, palissent, puis se parlent, se lient d'amitié ... Une idylle commence, jusqu'où ira-t'elle, comment vivra-t'elle ? ...

Voici un livre fort sympathique. Quelques maladresses à plus d'un égard, mais fort sympathique.

Sur le fond. Les émois, les sentiments, les émotions de deux lycéens découvrant leur attirance commune et la difficulté de vivre leur amour/homosexualité dans une petite ville, même en ce début de 21ème siècle en France, malgré les avancées certaines en la matière, sont décrits avec réalisme et justesse par les auteurs. Ce roman place bien les interrogations de ces deux jeunes gens romantiques sur la façon de vivre leur amour, sur leur avenir, sur leur relation, sur le regard des autres, etc. Certains dialogues entre les deux garçons, ou avec leurs mères, témoignent de leurs états d'âme, de leurs angoisses, et du malaise caractéristique de cette période de la vie, surtout chez les jeunes homosexuels découvrant leur identité sexuelle. Bryan et Kévin sont parfaitement dépeints comme des adolescents-type. Dommage que les auteurs n'aient pas (ou très peu) inclus de conversation entre les deux mères sur le sujet. On pourra regretter également le manque de personnages secondaires, notamment d'homosexuels adultes peut-être, qui auraient pu prodiguer des conseils à ces adolescents, et témoigner de leur propre expérience. Mais cela témoigne aussi de l'enfermement des adolescents dans leur solitude, de leur difficulté à communiquer avec les adultes, dans leur égoïsme nombrilique aussi (Ah ! l'égoïsme infini de l'adolescence*), ce qui ne les aide pas à surpasser ce moment délicat de la vie. D'autant que ceci peut se discuter selon le but recherché par les auteurs : simple témoignage de faits (des jeunes qui s'adressent à des ados) ou valeur éducative (des écrivains qui veulent aider des ados à accepter et à vivre pleinement leur homosexualité). Bref, ce roman a l'avantage d'amener la discussion, tout en étant ludique, car sa lecture reste agréable. Il peut aussi aider les jeunes ados à penser à leur situation, à focaliser leurs idées, à voir qu'ils ne sont pas seuls, et à en parler avec quelqu'un. Je sais, encore faut-il trouver à qui ... Mais, le silence peut être très préjudiciable.

Sur la forme. Dommage que ce roman ait été publié à compte d'auteurs. Je sais qu'il ne doit pas être facile pour de jeunes auteurs de trouver un éditeur. Mais ce livre souffre cruellement du manque de direction éditoriale. Dialogues parfois trop longs, beaucoup de répétitions, séquences complètement inutiles et même ennuyeuses, beaucoup de fautes d'orthographe et de grammaire, et de nombreuses coquilles. Pourtant l'écriture est agréable, même si cela est plus écrit comme un blog que comme un livre. Je pense qu'en passant au format imprimé, les auteurs auraient pu faire un effort littéraire. Il ne manque pas grand chose.

Cependant, il est probable que je ressente ces maladresses car je suis plutôt un grand lecteur, amateur d'auteurs "classiques", et que je ne suis pas dans la même tranche d'âge que les deux principaux protagonistes de cette histoire. Un adolescent ne les sentira probablement pas, ou autrement. Même au-delà, elles seront pour la lecture des plus jeunes un excellent atout puisque ces maladresses mettront le roman au niveau des jeunes lecteurs. Ceux-ci auront alors peu de difficultés à s'identifier aux personnages, aux situations, etc. D'ailleurs il me semble, mais je peux me tromper, que ce roman est essentiellement destiné à un lectorat adolescent. Un peu plus de maîtrise littéraire lui aurait permis de se mettre aussi au niveau de parents auxquels cette lecture ferait le plus grand bien.
Il n'en reste pas moins que, malgré ces imperfections, ce roman mérite d'être lu, notamment par les plus jeunes.

* A. Rimbaud - Jeunesse - III/ Vingt ans (Les Illuminations).