Pour ce premier roman, Francis Leplay nous emmène sur une variation
de l'amour passionnel. Mais cette variation est bien travaillée,
et riche en accidents (pour rester dans le vocabulaire de la musique
!). La vie n'est pas simple, et ce ne sont pas ses personnages, aux
caractères bien trempés, qui vont contribuer à
la simplifier. Bien sûr tous les éléments ont déjà
été archi-utilisés dans la littérature,
aucune nouveauté donc, mais le tout est bien agencé, bien
amené, et servi par une belle écriture. On sentirait presque
le vécu, voire l'autobiographie, mais distillée avec subtilité,
contrairement à d'autres dont le pseudo-existentialisme me semble
pachidermique. On voudra pour preuve de cette subtilité, la chute
finale de "la consoleuse rémunérée"...
Leplay alterne intimisme et descriptif, passant du "je" narratif
de Brice, à une distanciation de son personnage quand il reprend
possession de sa plume pour écrire "il" ou "Brice".
Il joue aussi avec la chronologie, mélangeant passé, présent,
et futur, mais sans exagération. Le tout donne un roman plaisant
à lire.
On s'ennuie un peu lors du sempiternel couplet sur les intermittents
du spectacle (il faut bien prêcher pour sa paroisse) ; mais les
apartés sur le théâtre (notamment sur Splendid's)
sont très intéressants : "Être à la
hauteur de son image pour Genet c'est aussi pouvoir la trahir"
(p117) (voir aussi pp. 122-124). Plus quelques réflexions sympathiques
sur l'homosexualité : "C'est troublant d'avoir nié
toute sa jeunesse une partie de son identité, et, une fois dévoilée,
de n'être
plus éclairée que par elle. Ce n'était pas l'homosexualité
qui me gênait, mais la place qu'elle me réservait dans
la société. Je ne voulais pas me définir, parce
que j'avais peur de me réduire" (p.125).
Un roman agréable, et un auteur prometteur, qui manque encore
de maturité littéraire, mais qu'il faudra suivre, à
l'instar de Erwan Chuberre (Vierge
ascendants désordres) par ex.