Haka est le plus connu des romans de Caryl Ferey, auteur français,
malgré son nom (pseudo ?) exotique. Haka, est un roman noir,
très noir, pas aussi foncé qu'un roman de James Elroy,
mais sans doute fortement influencé par cette école américaine
du polar. C'est aussi un roman assez inégal, tant sur le plan
du fond que de la forme.
Pour le fond. Les personnages sont parfaitement maîtrisés
et bien cernés. Beaucoup de caractères forts et crédibles,
qui s'entrechoquent au gré du roman. Un flic ultra-violent, psychiquement
marqué par un accident du passé, à la réputation
sulfureuse, faisant équipe avec une très jeune profileuse,
pur produit universitaire (un peu formatée FBI version Hollywood
tout de même !). Un procureur arriviste, politicien sans scrupule,
subtil marionnettiste d'un microcosme politico-policier où tous
les coups sont permis. Deux jeunes flics pleins de promesses pour appuyer
l'action du flic de choc, tous deux beaux comme des héros de
feuilletons US et décrits avec beaucoup d'érotisme et
de sensualité. Un peintre paumé, épileptique et
impuissant, homosexuel refoulé, usant et vendant de la poudre
blanche, découvrant enfin l'amour hétérosexuel.
Un couple improbable, lui dandy milliardaire, homosexuel honteux, partouzeur
immodéré, elle jeune, belle, distinguée, mais d'un
milieu social défavorisé, rêvant d'un prince charmant
amoureux - elle et lui union purement matérielle, sans même
une once d'estime réciproque. Un gourou maori, prêt aux
pires extrêmes, menant sa bande de zombies illuminés au
doigt et à l'oeil. Un jeune eunuque maori, efféminé,
et beau comme un dieu, traînant dans les milieux interlopes de
Auckland. Et au milieu de tout ce beau monde un tueur en série,
scalpeur de foufoune !
Côté action, la mise en place des personnages est immédiate,
brève et rapide pour la plupart ; d'autres apparaîtront
au cours du roman au moment opportun (cet aspect est bien maîtrisé
aussi). Le roman débute "fort" avec un premier meurtre
horrible d'entrée (le ton est donné). Mais le rythme avance
d'abord doucement. Atmosphère plutôt psy, mais très
noire. Puis les meurtres se succèdent et la violence monte crescendo.
La piste qu'on entrevoyait n'est peut être plus la bonne, mais
reste plausible. Et ce sera comme ça pratiquement jusqu'à
la fin du roman. Les meurtres et passages à tabac s'accélèrent,
le rythme du roman suit la cadence des tueries, et l'ambiance noire
fait place à l'ultraviolence hémoglobineuse, version Brian
de Palma, un peu trop donc ... Comme Ph. LeRoy (Pour
adultes seulement), Ferey n'épargne pas ses héros.
Hélas, le dénouement est un essai confus de psychologie
de bazar, héritier direct des mauvaises années de la psychanalyse
basique hollywoodienne. D'ailleurs l'auteur semble confondre psychologie,
psychiatrie, et psychanalyse, qu'il emmêle pêle-mêle
dans le même sac !
Pour
la forme. Le style est agréable, vif, mais inégal. Ici,
Ferey s'autorise des belles images quasi poétiques, métaphores
subtiles. Là, des clichés dejà-vus, et parfois
de graves fautes de syntaxe et de grammaire (je sais je sais, ce n'est
qu'un polar ... ça n'empêche pas d'écrire français,
non ?). Cependant, le roman est bien construit, Ferey entrecroise situations
et personnages, préservant son intrigue jusqu'aux derniers chapitres.
Enfin, idée originale de situer son roman en Nouvelle-Zélande.
Voilà,
beaucoup d'ingrédients pour réussir un bon roman, pourtant,
même si j'avoue avoir été pris par ce livre et l'avoir
lu d'une seule traite, je n'ai été qu'à moitié
emballé par cette lecture. Les explications psy foireuses de
la motivation du tueur sont sans doute pour beaucoup quant à
ma demi-déception. Enfin, tous les personnages homos (il y en
a 3-4 en tout) ont un fort côté obscure, négatif,
voire criminel, en relation avec leur homosexualité ... Comme
nous l'avons déjà dit dans nos commentaires de plusieurs
romans (cf. "Le tableau
du Maître Flamand", "L'onde
sépulcrale", "Gévaudan",
"La ligne noire"), ceci peut
chez certains expliquer cela, mais il ne faudrait pas faire de quelques
cas particuliers un énoncé du cas général
.... D'autres personnages homos équilibrés et sympathiques
dans les divers romans de Ferey ou méconnaissance du sujet, voire
homophobie honteuse ?